Comment détecter la souffrance des employés en matière de harcèlement moral?
Sommaire
- 1 Comment détecter la souffrance des employés en matière de harcèlement moral?
- 1.1 Les symptomes d’un mal-être au travail
- 1.2 Les indicateurs de souffrance des employés
- 1.2.1 1. Etat des interactions au travail
- 1.2.2 2. Les changements de comportement
- 1.2.3 3. Des arrêts de travail successifs
- 1.2.4 4. Mener des enquêtes de satisfaction et de climat de travail
- 1.2.5 5. Opérer une veille sur les canaux de communication ouverts internes a l’entreprise
- 1.2.6 6. Réunions régulières d’équipe
- 1.2.7 7. Entretien annuel – Revues de Performance Régulières
- 1.2.8 8. Ecoute active
- 1.3 Conclusion
L’employeur étant assujetti à une obligation de sécurité de ses employés, il est donc de son devoir de mettre en place des mesures afin de détecter leur souffrance éventuelle. Nous rappelons que cette sécurité concerne autant la santé physique que la santé mentale.
Bien évidemment, prévenir le harcèlement moral au sein de l’entreprise est essentielle pour créer un environnement de travail sain et respectueux.
Mais, le harcèlement moral est un des risques psychosociaux. Il est donc de la responsabilités de l’employeur (mais également dans ses obligations) de s’assurer l’absence de violence au travail. Il peut s’appuyer sur le comité social et économique pour faire une évaluation des risques psychosociaux. Dans le cas d’une entreprise de plus de 11 salariés.
Par ailleurs, le harcèlement moral étant difficile à identifier, lutter contre lui relève d’une collaboration entre les supérieurs hiérarchiques et salariés. Déceler une détresse psychologique se fait notamment via du soutien et un dialogue ouvert au sein de l’équipe. Tout collaborateur peut alerter sur une telle situation. Mais pour cela, l’entreprise doit avoir pris des mesures pour le permettre.
Nous vous invitons à lire l’article précédent sur la prévention par les employeurs.
Ainsi avant toute investigation, instaurer une culture de respect et une communication ouverte dans l’entreprise est essentiel. Les différents collaborateurs doivent pouvoir s’adresser à leurs supérieurs sans craindre de représailles.
ATTENTION : On rappelle qu’en France, le licenciement d’un employé en raison de sa dénonciation de harcèlement moral est considéré comme une discrimination et est strictement interdit par la loi (article L1152-1 du Code du travail).
Dans cet article, nous vous proposons quelques solutions pratiques pour vous aider à détecter la souffrance des employés en matière de harcèlement moral. Mais d’abord, rappelons quelques signes du mal-être au travail.
Les symptomes d’un mal-être au travail

Connaître, c’est reconnaître.
Nietzsche
Comme le dit Nietzsche, « connaître c’est reconnaître. » Il apparaît donc évident que lorsque l’on cherche à détecter la souffrance des employés au travail, on se doit de savoir ce que l’on doit rechercher.
Dans un article précédent, nous avons déjà traité des effets du harcèlement moral sur les victimes ou sur les entreprises.
Rappelons donc simplement qu’une victime de harcèlement moral aura un état de santé dégradé dès plusieurs mois d’exposition. Outre un stress au travail intense, elle peut souffrir d’anxiété, d’irritabilité voire de maux de tête. Des troubles du sommeil peuvent s’ajouter résultant en une fatigue importante. Dans les cas les plus avancés, la victime entre en dépression.
Ces signaux sont généraux bien sûr mais peuvent permettre d’alerter un médecin sur une situation de travail.
Toutefois il convient de rappeler une petite précision. Le stress au travail n’est pas nécessairement synonyme de harcèlement moral. Cela peut être lié à de la pression, une surcharge de travail voire à des erreurs de management. Cela peut conduire à un épuisement du personnel pouvant aboutir à un burn-out. Mais il n’est en aucun cas indicateur de harcèlement moral. Ce n’est qu’un des facteurs pouvant permettre d’identifier une situation de violence psychologique au sein de l’entreprise.
Un article suivant traite de ce qui n’est pas du harcèlement moral mais peut être révélateur d’un mal-être au travail.
Enfin, pour fournir une réponse adaptée, l’employeur doit avoir des outils afin de détecter ou d’être alerté sur la souffrance de ses employés. Voici quelques exemples.
Les indicateurs de souffrance des employés
1. Etat des interactions au travail
L’employeur doit être attentif aux interactions au sein de son entreprise. Bien sûr, ce rôle est partagé avec les managers et différents supérieurs hiérarchiques.
Les comportements des employés, les relations entre les membres de l’équipe et les dynamiques de pouvoir au sein de l’organisation sont tout autant de paramètres qui peuvent indiquer une situation avérée ou future de harcèlement moral.
Par ailleurs, il est nécessaire d’être particulièrement vigilant envers les situations où un employé semble isolé ou maltraité par ses pairs ou ses supérieurs. On rappelle que lors de harcèlement moral, un phénomène de groupe est fréquemment observé. Il est alors du rôle de l’employeur de ne pas tomber dans la stigmatisation et d’analyser objectivement la situation.

2. Les changements de comportement
Un changement de comportement chez un employé sans raison apparente peut être un signe de souffrance. Bien sûr, cela peut ne pas être corrélé à une situation de harcèlement psychologique. Mais plutôt à une difficulté personnelle. Toutefois, il convient de déceler ces phénomènes.
Ainsi, des signes tels que l’isolement, la diminution de la productivité, le stress accru ou les conflits interpersonnels doivent être surveillés. Ils peuvent indiquer qu’un employé est victime de harcèlement moral.
3. Des arrêts de travail successifs
Le harcèlement moral est insidieux et l’employé peut refuser de voir qu’il en souffre Inconsciemment.
La plupart du temps, c’est le corps qui parlera en premier. L’employeur n’a pas accès aux informations de santé de ses employés. Mais des arrêts de travail successifs alors que les premiers mois de travail de l’employé dans l’entreprise se sont bien passés doivent provoquer un questionnement. Bien sûr, cela peut être de la malchance pour l’employé mais cela peut aussi souligner un problème plus profond.
Dans ce genre de cas, il convient donc de s’entretenir avec l’employé. Sans pour autant être intrusif. Il peut s’agir d’un entretien pour discuter des conditions de travail et de sa qualité de vie au travail. Au cours de cet échange, il peut être intéressant de rappeler la politique de culture de respect et de communication ouverte en cas de problème au sein de l’équipe. ‘sans représailles en ce qui concerne le harcèlement moral).
L’employeur peut-il contacter un employé en arrêt de travail?

Les contacts avec un employé lors d’un arrêt de travail doivent être succins et non intrusifs. Les seules interactions autorisées en relation avec le travail sont dans le cas d’une demande de restitution d’outils de travail mis à la disposition de l’employé. Ou un questionnement dont la réponse est nécessaire à l’activité de l’entreprise. Et dont seul cet employé détient la réponse. Toute autre sollicitation dans le cadre du travail s’avérerait être un manquement à l’article L4121-1 du Code du travail (obligation de sécurité et protection de la santé des salariés).
En effet, la seule évocation de l’environnement professionnel peut être mal vécue par le salarié si l’arrêt de travail a un lien avec ses conditions de travail.
Toutefois, si les circonstances et les relations le permettent, il est possible de contacter l’employé pour prendre des nouvelles.
En outre, depuis la loi santé du 2 août 2021, l’employeur doit informer par tout moyen les salariés absents depuis plus de 30 jours de la possibilité de bénéficier d’un rendez-vous de liaison. Si le salarié l’accepte, il revient à l’employeur de l’organiser.
Ce rendez-vous de liaison a pour objectif de maintenir un lien entre l’employeur et le salarié pendant son arrêt de travail. Mais également d’informer ce dernier qu’il peut bénéficier d’actions de prévention de la désinsertion professionnelle, d’une visite de pré-reprise, et de mesures d’aménagement du poste ou du temps de travail.
Ce rendez-vous peut aussi être l’occasion d’interroger le salarié sur la perception de ses conditions de travail et ainsi évaluer le risque de harcèlement moral.
4. Mener des enquêtes de satisfaction et de climat de travail
L’employeur peut réaliser régulièrement des enquêtes auprès des employés. Pour évaluer leur satisfaction au travail. Mais aussi le climat organisationnel.
Quelques questions spécifiques sur le harcèlement moral permettent de recueillir des informations sur les expériences des employés. Ou repérer les tendances ou les problèmes éventuels.
Ces enquêtes gagneraient à être anonymes afin de favoriser l’alerte sur des faits de harcèlement moral. Il est difficile de dénoncer des agissements que l’on estime abusifs. L’anonymat permettrait de faciliter cette prise de parole.
5. Opérer une veille sur les canaux de communication ouverts internes a l’entreprise
L’employeur a une obligation de sécurité comme l’a déjà expliqué. Toutefois, il n’est pas omnipotent. Il est donc essentiel d’échanger avec les employés pour pouvoir la respecter. Une des possibilités qui s’offrent à lui est donc de dédier un canal de communication au dialogue ou à faire remonter des troubles au sein de l’entreprise.
Mettre en place un tel système, ouvert et confidentiel, permet aux employés de signaler tout comportement suspect ou abusif. L’employeur peut donc prêter une oreille plus attentive à ce qui est décrit. Et ainsi agir rapidement si les agissements sont avérés.

Un anonymat favoriserait l’alerte sur des faits de harcèlement moral au sein de l’entreprise. Car même si illégal, les représailles sont toujours craintes.
6. Réunions régulières d’équipe
Des réunions d’équipe régulières permettent de discuter des problèmes potentiels et encourager la communication ouverte.
Ainsi, ces réunions peuvent être exploitées pour discuter des préoccupations des employés. Mais aussi pour renforcer les relations interpersonnelles au sein de l’équipe.
Attention toutefois, une réunion n’est aucunement là pour adresser un problème individuel. Si des remarques doivent être faites à une personne en particulier, celles-ci doivent être faites dans l’intimité. Profiter d’une réunion pour faire un feedback négatif peut être perçu comme de l’humiliation publique (par l’individu concerné mais également par la justice).
7. Entretien annuel – Revues de Performance Régulières
Il faut profiter de ces rendez-vous pour discuter ouvertement avec les employés de leur bien-être au travail. Ce moment privilégié doit aussi être utilisé pour aborder des questions telles que le stress, la charge de travail et les relations interpersonnelles. Choses qui pourraient indiquer une situation de harcèlement moral.
On rappelle que les entretiens annuels sont une obligation. Selon l’article L3121-65 du Code du travail, l’employeur est tenu d’organiser, chaque année, un entretien avec chacun de ses salariés. Il a pour objectif de permettre au salarié de faire le point sur ses perspectives d’évolution professionnelle. Notamment en termes de qualifications et d’emploi. Que l’employé soit en forfait heures ou en forfait jours, les entretiens annuels restent impératifs.

ATTENTION : cet entretien est différent de l’entretien professionnel qui doit avoir lieu tous les 2 ans défini par l’article L6315-1 du Code du travail. Ce dernier a essentiellement pour but de discuter des perspectives d’avenir du salarié. Quel que soit son type de contrat.
Le non-respect de l’obligation d’organiser des entretiens annuels peut entraîner des sanctions pour l’employeur, notamment des amendes administratives pouvant aller jusqu’à 3 000 euros par salarié concerné. Par ailleurs, cela engendrerait une caducité du contrat en forfait jours qui serait alors estimé comme un contrat en forfait heures. L’employeur pourrait alors se voir contraint de payer toutes les heures supplémentaires qu’aurait effectué l’employé s’il avait eu un contrat en forfait heures.
8. Ecoute active
Pratiquer l’écoute active en tant que manager ou employeur est indispensable pour comprendre et entendre les employés.
Cela signifie être disponible pour les employés s’ils ont besoin de parler et prendre leurs préoccupations au sérieux. Il ne faut pas juger. Ni écouter pour pouvoir répondre. Il convient de montrer que leur bien-être est important aux yeux de l’employeur. Que ce dernier est prêt à agir pour résoudre les problèmes internes.
Une analogie avec l’auscultation cardiaque peut être faite. Lorsque l’on place le stéthoscope sur les oreilles pour écouter un cœur, on écoute pour le comprendre. Pour s’assurer qu’il bat bien. Qu’il n’a pas de raté. On n’écoute pas pour lui répondre et lui faire un commentaire. (Ce qui serait, somme toute, parfaitement inutile). Eh bien, l’écoute active c’est la même chose. On écoute pour comprendre la personne. Pas pour la juger. Ou la conseiller.

L’employeur peut tout à fait désigner une personne en charge de ces échanges. Dans un CSE, il y a souvent une personne référente pour les notions de harcèlement. Cette personne est donc l’interlocuteur à privilégier et à indiquer aux employés.
Conclusion
En suivant ces conseils, il est possible de créer un environnement de travail où le harcèlement moral est peu probable et où les employés se sentent respectés et valorisés. La prévention du harcèlement moral est non seulement une obligation légale, mais aussi une étape essentielle pour assurer le bien-être des employés et la réussite d’une entreprise.
Les moyens présentés dans cet article peuvent permettre de détecter la souffrance des employés et donc de possibles cas de harcèlement moral. Ils peuvent également aider l’employeur à répondre rapidement en conséquences avant une escalade du mal-être.
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