Quelles responsabilités et quelles sanctions pour l’employeur en cas de harcèlement moral?
Sommaire [Afficher]
Les sanctions pour une entreprise et l’employeur sont nombreuses et parfois non visibles lorsque du harcèlement moral sévit. Les effets du harcèlement moral sur une entreprise ont déjà été traitées dans un article précédent.
Outre la détérioration évidente de l’ambiance au travail, l’entreprise fait face à un turn-over important de ses collaborateurs. Un réputation dégradée. Une performance des salariés en chute. Ainsi que des frais de fonctionnement anormalement élevé. Pour en savoir plus, consultez cet article.
Mais le harcèlement moral peut avoir des conséquences bien plus importantes et plus coûteuses lorsque le problème arrive jusqu’en justice.
Rappelons que le harcèlement moral au sein de l’environnement professionnel constitue une violation flagrante des droits fondamentaux des travailleurs. Il menace leur intégrité morale, psychologique, voire physique. L’employeur se trouve ainsi investi d’une responsabilité primordiale dans la prévention et la répression de telles pratiques.
Ainsi, en cas de manquement à l’obligation de sécurité, l’employeur encourt des sanctions disciplinaires, pénales, administratives voire civiles.
Rappel du cadre légal entourant le harcèlement moral
Afin de comprendre les différentes sanctions qu’encourt l’employeur, il convient de rappeler les textes de loi du code du travail et du code pénal.
Règlementation entourant le harcèlement moral

On retrouve la définition du harcèlement moral dans deux codes : le code pénal et le code du travail.
Il est donc puni par deux instances indépendantes. Les sanctions pénales et administratives peuvent donc se cumuler.
Mais d’autres organismes peuvent également sanctionner si de tels comportements étaient rapportés. C’est le cas pour l’Inspection du travail mais également l’Ordre (comme pour toute profession régit par un ordre).
Article L1152-1 du code du travail
Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
et Article L1153-1 du code du travail
Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Code pénal : Article 222-33-2
Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail.
L’infraction est également constituée :
a) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime par plusieurs personnes, de manière concertée ou à l’instigation de l’une d’elles, alors même que chacune de ces personnes n’a pas agi de façon répétée ;
b) Lorsque ces propos ou comportements sont imposés à une même victime, successivement, par plusieurs personnes qui, même en l’absence de concertation, savent que ces propos ou comportements caractérisent une répétition.
Ainsi par ces textes, il apparaît que quelque soit la personne présente dans l’entreprise, salarié, stagiaire ou personne en formation, l’employeur peut être jugé comme fautif si ces individus venaient à subir du harcèlement moral sur le lieu de travail.
Par ailleurs, l’employeur fait également face à une obligation de sécurité mentale et physique de ses employés.
Une obligation de sécurité
Code du travail : Article L4121-1
L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
C’est cette obligation qui explique notamment que l’employeur soit attaqué lors de dénonciation de faits de harcèlement moral sur le lieu de travail.
En effet, le salarié victime a la possibilité de saisir le conseil de prud’hommes tout comme le tribunal pénal. Dans le second cas, la personne visée est le harceleur direct.
En revanche, dans le premier cas, c’est l’entreprise qui sera au cœur de la procédure d’enquête. L’enquête sur le harcèlement alors menée aura pour but d’établir le rôle de l’employeur dans les agissements de harcèlement rapportés. La procédure aura donc pour but d’établir s’il y a manquement à cette obligation. Par absence de mesures prises pour garantir la protection de la victime.
Ainsi, ces articles placent clairement l’employeur dans une position de garde-fou. Exigeant de sa part la mise en place de mesures préventives efficaces. Mais il lui est également demandé une réaction prompte et diligente.

ATTENTION : La Cour de cassation a récemment retenu que, à défaut, pour le salarié de démontrer l’existence d’un harcèlement moral, il peut engager la responsabilité de l’employeur au titre de l’obligation de prévention et de protection de la santé du salarié ! (pourvoi 21-18.114, Cour de cassation le 7 Décembre 2022).
Une interdiction de représailles
Par ailleurs, on rappelle que le droit du travail protège également les personnes dénonçant du harcèlement moral. Qu’elles soient victimes ou témoins.
Cela se retrouve dans les articles L1152-2 et L1153-3 du Code du travail.
Ainsi, outre un manquement à une obligation de sécurité, l’employeur peut être attaqué au conseil de prud’hommes dans le cas d’une rupture du contrat de travail à la suite d’une dénonciation des faits de harcèlement moral.
Un licenciement, qu’il soit pour faute grave ou pour tout autre motif envers un salarié qui aurait refusé de subir du harcèlement psychologique, ou l’aurait dénoncé, est strictement interdit par la loi.
Le salarié alors licencié pourrait faire une demande d’indemnisation en plus de la contestation de cet acte de licenciement.

Si l’analyse des faits et l’enquête interne révèle des représailles à l’encontre du salarié alors l’acte de licenciement sera estimé caduc. L’employeur sera alors contraint de verser le salaire manquant depuis la prise en compte du licenciement jusqu’à l’acte de justice.
C’est exactement ce qui s’est produit pour ce cas célèbre en 2016. Il impliquait une entreprise condamnée à verser plus de 200 000 euros à une salariée victime de harcèlement moral. La victime avait été injustement (et illégalement) licenciée pour faute grave après avoir dénoncé de la violence psychologique.
Ces articles condamnent donc d’une part une absence de protection des salariés mais également une absence de mesures prises. Ces dernières sont détaillées dans un autre article suivant.
Un manquement à ces articles de loi impliquent une condamnation de l’employeur à des sanctions diverses. On comprend donc bien l’importance pour l’entreprise de connaître ses responsabilités.
Responsabilités de l’employeur
Les responsabilités de l’employeur face à une situation de harcèlement moral découlent directement de l’article L4121-1 du code du travail. Elles sont de deux types : la prévention et une réaction rapide en cas d’alerte.
La prévention : une obligation de protection pour tous
La prévention du harcèlement moral repose sur une combinaison d’obligations légales et de bonnes pratiques. Elles s’inscrivent dans l’obligation générale de sécurité imposée par l’article L4121-1 du Code du travail.
Cette obligation oblige l’employeur à évaluer, prévenir et traiter les risques susceptibles d’affecter la santé physique et mentale des salariés.
En matière de prévention, l’employeur doit légalement :

- Évaluer les risques professionnels : transcription et mise à jour dans le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) les risques psychosociaux, dont le harcèlement moral. C’est une obligation légale dont l’employeur est responsable. Il peut toutefois déléguer la réalisation et la mise à jour de ce document à un tiers.
- Sensibilisation et information des salariés : Conformément à L1152-4 du Code du travail, l’employeur doit informer explicitement les salariés sur les règles en vigueur contre le harcèlement moral. Cela passe par des affichages, des formations ou des chartes internes.
- Consultation des instances représentatives (dans le cas d’une entreprise de plus de 11 salariés) : le CSE (Comité Social et Économique) doit être consulté sur les mesures de prévention concernant les risques professionnels, y compris les risques psychosociaux.
Les actions concrètes et bonnes pratiques pour respecter cette obligation de prévention sont détaillés dans un autre article.
L’arrêt du 25 novembre 2015 (n°14-24444) de la Cour de cassation rappelle bien que l’employeur manque à son obligation de sécurité s’il n’a pas pris toutes les mesures de prévention nécessaires contre le harcèlement. Même en l’absence de harcèlement avéré.
Par ailleurs, si un collègue venait à alerter sur une situation de harcèlement moral, l’intervention de l’employeur doit être immédiate. Même dans le cas de mesures préventives effectives.
Une réaction rapide en cas d’alerte : une obligation de protection des victimes
Malgré toutes les mesures du monde pour prévenir le harcèlement moral, une telle situation peut se développer au sein de l’entreprise. L’employeur ne saurait en être tenu responsable. En revanche, son inaction pourrait être retenue contre lui.
Ainsi, en cas de signalement ou de suspicion de harcèlement moral, l’employeur a le devoir d’agir rapidement et efficacement.
Par ailleurs, plusieurs arrêts de la Cour de cassation rappellent cela :
- Arrêt du 1er juin 2016, n°14-19.702 : l’employeur doit immédiatement intervenir en cas de signalement. Pour prévenir ou mettre fin à une situation de harcèlement moral.
- Arrêt du 27 nov. 2019, n° 18-10551: l’absence de réaction rapide expose l’employeur à des sanctions. Pour manquement à ses obligations, même en l’absence de harcèlement avéré.

En somme, la réactivité de l’employeur face à une dénonciation relève de son obligation de sécurité. Mais aussi des impératifs posés par la jurisprudence pour prévenir tout risque psychosocial lié au harcèlement moral
Par ailleurs, c’est à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a mis en œuvre des actions préventives.
à retenir
L’employeur est donc chargé d’assurer la sécurité et la protection de la santé physique et mentale de ses salariés. L’employeur doit justifier avoir pris toutes les mesures de prévention possible. Mais aussi d’avoir pris des mesures immédiates propres à faire cesser tout acte de harcèlement moral dont il serait informé. L’inaction ou l’action tardive sera punitive !
Pendant longtemps, l’employeur faisait face à une obligation de résultats. La jurisprudence a évolué grâce à deux arrêts (arrêt du 25 novembre 2015 (n°14-24444) et arrêt du 1er juin 2016 (n°14-19702)). La responsabilité de l’employeur peut maintenant être atténuée si celui-ci apporte des éléments de preuve quant à la mise en place de mesures nécessaire à la prévention du harcèlement moral.
Avant cela, la responsabilité de l’employeur était systématiquement engagée en cas de harcèlement moral. Peu importe les actions préventives prises.
Il n’y a donc plus d’obligation de résultat stricte mais une obligation de moyens renforcée.
Le non-respect de cela peut entraîner des sanctions légales et financières importantes. Car, en cas de condamnation, l’entreprise peut se voir infliger des amendes substantielles. Les personnes responsables risquent, quant à elles, des sanctions pénales, pouvant aller jusqu’à des peines d’emprisonnement.
Quelles sanctions pour l’employeur en cas de manquement à ses responsabilités ?
Les peines encourues par un employeur pour du harcèlement moral peuvent varier en fonction de la gravité. Mais aussi selon les circonstances spécifiques de l’affaire. Ne sont ici mentionnés que les risques juridiques. Il existe également des sanctions moins quantifiables qui sont expliquées dans l’article sur les effets du harcèlement moral sur les entreprises.
En matière de harcèlement moral, voici quelques exemples généraux de sanctions possibles.
Sanction administrative
L’inspection du travail peut infliger des amendes administratives aux entreprises en cas de non-respect des obligations en matière de prévention du harcèlement moral. Le montant de ces amendes peut varier en fonction de la gravité de l’infraction et de la taille de l’entreprise. Le Code du travail français prévoit que l’amende administrative encourue en cas de harcèlement moral peut aller jusqu’à :
- 18 750 euros pour une personne morale (entreprise) pour une première condamnation (article L 4742-1 du Code du travail)
- 37 500 euros pour une personne morale en cas de récidive dans les cinq ans suivant la première condamnation (article L 4742-2 du Code du travail)
- Ces montants sont donnés à titre indicatif et peuvent être ajustés en fonction des circonstances spécifiques de l’affaire et des dispositions légales applicables. L’inspection du travail peut également imposer d’autres mesures correctives ou coercitives en cas de non-respect des obligations en matière de prévention du harcèlement moral, en plus des amendes administratives.

L’inspection du travail peut être saisie directement par le médecin du travail si celui-ci constate des situations mettant en danger la santé physique ou mentale des salariés. Mais elle peut également être directement contacté par le salarié victime.
Sanction pénale
Dans certains cas, l’employeur peut être passible de poursuites pénales. Le harcèlement moral est également un délit pénal puisque définit à l‘article 222-33-2 du Code pénal. Les peines peuvent aller de peines d’emprisonnement à des amendes importantes, en fonction de la législation locale et de la gravité de l’infraction.

Selon l’article L1153-1 du Code du travail, l’amende maximale encourue pour une personne morale (comme une entreprise ou un employeur) est de 30 000 euros. Cependant dans les cas les plus graves, cette amende peut être portée à 150000 euros.
La peine d’emprisonnement peut aller jusqu’à deux ans mais elle est rarement appliquée pour une première infraction. Dans la pratique, les tribunaux prononcent des peines alternatives à l’emprisonnement tels que des travaux d’intérêt général, des obligations de formation ou de suivi, en plus des dommages et intérêts accordés à la victime.
Une plainte pénale, donc déposée auprès des forces de l’ordre, se fait à l’encontre de l’auteur des faits. Le tribunal pénal aurait donc pour rôle, une fois la constatation des faits établie, de sanctionner l’auteur du harcèlement moral. Toutefois, même dans le cas où le harceleur n’est pas l’employeur, ce dernier encourt des sanctions pénales liées au manquement à l’obligation de sécurité.
Sanction civile
Les employeurs peuvent également être tenus responsables sur le plan civil pour les dommages causés à leurs employés en raison du harcèlement moral.
Cela peut inclure le paiement de dommages et intérêts pour compenser les préjudices subis par la victime, ainsi que le remboursement des frais médicaux ou de conseil.

Sanction disciplinaire

C’est d’autant plus vrai dans le monde vétérinaire où la profession est sous le contrôle de l’Ordre des vétérinaires. Comme dans toute profession avec un ordre. Ce dernier peut également appliquer des sanctions à un employeur reconnu coupable de harcèlement moral.
Celles-ci pourront être des sanctions professionnelles telles que la révocation de la licence d’exercer ou d’autorisations professionnelles.
Conclusion
En résumé, les peines encourues par un employeur pour du harcèlement moral peuvent être sévères et avoir des conséquences graves sur le plan légal et financier. Et, on le rappelle, sur le plan réputationnel également. Il est donc essentiel pour les employeurs de prendre des mesures sérieuses pour prévenir et traiter le harcèlement moral au sein de leur organisation.
En définitive, la lutte contre le harcèlement moral au travail est un impératif moral et juridique auquel l’employeur doit se conformer rigoureusement. Tout manquement à cette responsabilité peur engendrer des conséquences financières lourdes et néfastes pour l’avenir de l’entreprise.
En respectant ses obligations légales, en adoptant une politique de tolérance zéro envers le harcèlement, et en garantissant la protection de ses employés, l’employeur contribue à instaurer un climat de travail sain, respectueux et productif. Mais cela lui permet également de se protéger face à une personne de mauvaise foi qui ferait une dénonciation calomnieuse.
Laisser un commentaire