Comment monter un dossier contre du harcèlement moral ?
Sommaire
Lorsqu’on décide de lutter contre du harcèlement moral, il existe plusieurs moyens. Mais il est important de garder en mémoire que toutes les actions entreprises doivent être sauvegardées dans un dossier. Au cas où.
Dans des articles précédents, nous avons montré l’importance d’engager la discussion avec l’auteur présumé des faits. Mais également de faire un signalement interne à l’entreprise pour prévenir l’employeur et lui laisser la possibilité de respecter son obligation de sécurité.
Toutefois, parfois, la seule solution est de s’adresser directement à la justice. Et pour cela, il faut porter plainte auprès de la police ou de la gendarmerie.
Si une saisine du conseil de prud’hommes est désirée, il est préférable de chercher conseil et assistance auprès d’un avocat.
Dans tous les cas de figure, la victime devra constituer un dossier contre l’auteur des faits. Et qui dit dossier, dit preuves.
Mais quelles sont-elles ?
C’est l’objet de cet article.
Un dossier bien preparé pour faciliter un dépôt de plainte déjà difficile pour harcèlement moral
Saisir la justice oui. Mais où? Et comment ?

Le harcèlement moral est une double infraction : pénale et au droit du travail. Ainsi, la victime peut saisir deux instances : le conseil de prud’hommes et le tribunal pénal.
On rappelle que la victime dispose d’un délai de 5 ans pour saisir le conseil des prud’hommes et de 6 ans pour porter plainte en gendarmerie ou à la police après le dernier fait de harcèlement moral.
Selon la juridiction saisie, les conséquences divergent.
Dans le premier cas, c’est un non-respect du code du travail qui est dénoncé. L’« accusé » est donc l’employeur pour manquement à son obligation de sécurité telle qu’elle est décrite dans l’article L4121 du code du travail.
Dans le second cas, c’est une infraction pénale. C’est donc directement le harceleur qui est entendu pour atteinte à la dignité et à la santé de la victime.
Saisir le conseil de prud’hommes
On conseille vivement de rechercher l’assistance d’un avocat spécialisé dans le droit du travail.
Dans le dossier monté avec lui, outre les preuves de harcèlement moral, d’autres éléments relatifs au monde professionnel pourront être demandés.
Ainsi, l’avocat peut demander à la victime de fournir :
- Le contrat de travail
- Les éventuels avenant au contrat de travail
- Les fiches de salaires
- Les primes éventuelles
- Les éventuels comptes-rendus des entretiens annuels
- Les possibles sanctions professionnelles établies par la hiérarchie s’il y a lieu
- L’acte de licenciement s’il y a eu rupture de contrat, et la raison de celle-ci

Cette liste n’est pas exhaustive mais sont des éléments dont l’avocat peut avoir besoin avant d’entamer une procédure devant le conseil de prud’hommes.
L’avocat pourra déposer la demande directement au conseil pour la victime. Mais dans le cas où celle-ci souhaiterait faire cela elle-même, il y a deux possibilités. Soit elle le fait à l’oral au greffe du conseil de prud’hommes. Soit elle le fait par écrit avec le formulaire correspondant.
A défaut d’un avocat spécialisé dans le droit du travail, un membre de syndicat ou le défenseur des droits peut accompagner la victime dans sa démarche.
Dans le cas des entreprises de plus de 11 salariés, le CSE peut permettre d’obtenir le contact de ces différents intervenants.
La procédure se déroule ensuite en deux étapes : une première étape de tentative de conciliation puis en cas d’échec, une phase de jugement.
La décision du Conseil pourra être contestée devant la Cour d’Appel.
Saisir un juge pénal

Pour cela, il faut déposer plainte contre l’auteur présumé des faits.
Il faut donc se rendre soit à la police soit à la gendarmerie. Il possible de remplir une pré plainte directement sur internet. Mais si cela n’est pas souhaité, la victime peut aussi directement déposer sa plainte face au représentant de l’ordre.
Dans tous les cas, l’agent devra l’auditionner. La pré plainte ne sert qu’à accélérer le processus.
Conseil : recherchez le numéro de téléphone du poste de police le plus proche de chez vous et prenez rendez-vous avec eux par appel téléphonique avant de vous déplacer.
Le représentant de l’ordre a pour obligation de recevoir la plainte. Elle ne peut en aucun cas être refusée. Cela est parfaitement précisé dans le code de procédure pénale à l’article 15-3.
Mais il faut savoir que le plaignant sera poussé dans ses retranchements pour vérifier que le discours ne change pas. On peut estimer cela comme un test psychologique pour vérifier la véracité des propos. C’est en cela que porter plainte peut s’avérer une épreuve pour une personne déjà en état de souffrance psychologique.
Mais sans cela, la porte de la délation non justifiée serait grande ouverte.

C’est pourquoi, il est nécessaire de bien se préparer avant de se présenter. D’avoir un dossier bien ficelé. D’avoir rassemblé les preuves.
Rappelons toutefois que porter plainte est nécessaire si la conciliation interne n’a pas fonctionné. Sans cela, le harcèlement moral perdurerait et les bourreaux seraient parfaitement libres de détruire d’autres vies.
A la suite de l’audition, le gendarme ou l’agent de police devra mener une enquête et auditionner les collègues comme les supérieurs hiérarchiques de la victime. A la suite de cette enquête, un juge recevra le dossier et tranchera sur la recevabilité ou non de la plainte.
Des preuves parfois rares
Quelle que soit la juridiction saisie, la victime va devoir justifier le harcèlement moral qu’elle aurait subi.
Mais, le harcèlement moral est très difficile à prouver et souvent les dossiers manquent de preuves.
C’est une des raisons pour laquelle la Cour de Cassation a émis un arrêt stipulant qu’à défaut la victime peut apporter la preuve d’un management brutal et toxique. Elle a ainsi défini des seuils au delà duquel la gestion des équipes serait considérée comme tel :
- Démissions de deux salariés
- Arrêt de travail d’un collègue
- Souffrance des équipes

Mais il existe également de nombreux actes à relever qui peuvent aider à faire reconnaître une situation de harcèlement moral. Voici donc quelques conseils pour monter un dossier le plus solide possible.
Cela passe par plusieurs étapes :
- Prévention / Notification d’actes pouvant correspondre à du harcèlement moral lors de votre exercice en tant que salarié ou collaborateur (ou employeur en cas de harcèlement moral ascendant)
- Préparation finale avant dépôt de plainte
Eléments à mettre dans un dossier pour harcèlement moral
Lettre descriptive d’évènements envoyée en recommandé
On a vu dans les articles précédents qu’il était essentiel de procéder en plusieurs étapes lorsque l’on dénonce du harcèlement moral.
Il faut garder des preuves de toutes ces étapes. Sans elles, le juge pourrait reprocher à la victime de ne pas avoir tenté de trouver une solution à l’amiable ou externe à la justice telle qu’une médiation ou une alerte à l’inspection du travail.
Ainsi en cas d’évènement particulièrement choquant tel qu’une interdiction outrageuse ou une humiliation, acte pouvant relever de harcèlement moral tel que décrit par la loi, il ne faut pas hésiter à le relater dans une lettre.
Mais on doit la rédiger à tête reposée ! Il faut être le plus impartial possible et ne pas mettre d’émotion dedans.

Voici une proposition de trame :
L’auteur de cette lettre doit ensuite l’envoyer en recommandé avec accusé de réception au harceleur présumé.
Il est possible de faire toute cette démarque en ligne, La Poste imprimera elle-même votre document.
Enfin, il est essentiel bien conserver l’accusé de réception et de le lier à la lettre envoyée. Cela pourra faire parti du dossier comme preuve.
Tenir un journal dans un cahier

Il faut suivre le modèle du journal intime.
La victime doit dédier un cahier ou un calpin aux évènements se passant au sein de son lieu de travail et pouvant correspondre à des actes de harcèlement moral.
Il faut être le plus précis possible. Y noter le jour ainsi que les évènements tout en explicitant bien le contexte dans lequel cela s’est produit.
De la même façon que précédemment, il faut écrire le plus objectivement possible (notamment pas à chaud mais une fois que l’on peut penser calmement à la situation).
Par exemple :
- le 15/06/2019 : X m’a accusé sur le ton de la plaisanterie de voler dans la caisse
- Le 25/09/2019 : Y m’a rapporté(e) que je n’avais plus le droit de faire cela
- Le 30/11/2019 : X m’a mise dans une situation délicate (décrire la situation) et m’a ensuite reproché(e) mes actions
Ce cahier peut notifier des évènements dont la victime est directement impliquée mais également des évènements dont elle est témoin. On peut alors attribuer plusieurs sections dans le cahier pour séparer les actes selon si on est victime ou témoin.
Ce journal représentera le principal support lors de la plainte.
Il est possible de le tenir sur internet grâce au dispositif établi par France Victime : MémodeVie.
Par ailleurs, on peut le commencer dès le premier évènement blessant pouvant correspondre à du harcèlement moral. Il faut veiller à faire une description la plus objective possible du contexte et noter le ressenti et le(s) agissement(s) abusif(s).
Attention : un acte « violent » psychologiquement n’est pas nécessairement du harcèlement moral ! C’est la répétition d’agissements abusifs qui le deviendra.
Noter ces évènements permettra de garder une trace. On rappelle que c’est dans les détails que le harcèlement moral pourra être prouvé.
Les alertes successives au CSE ou à l’employeur sont restées sans réponse
Comme décrit dans l’article « Comment lutter contre le harcèlement moral ? étape 2 J’alerte », toutes les démarches de cette étape doivent avoir des traces écrites. Telles que des lettres recommandées avec accusé de réception ou, a minima, des mails.
Ces documents forment la preuve de la tentative de conciliation interne. Doivent être regroupés dans le dossier :
- Les accusés de réception des différentes lettres associés aux lettres envoyées,
- Les différents rapports ou documents d’échange avec les différents services
- Le compte-rendu des éventuels réunions montrant une inaction de la hiérarchie
On rappelle qu’un passage à la plainte pénale immédiatement sans tentative de résolution à l’amiable pourra être reproché. Il est donc important de prouver que la victime a essayé de dialoguer avant de passer à la plainte pénale.
Attention : Garder les originaux et à ne donner que des copies par la suite !
Demander des certificats médicaux
Le harcèlement moral est très insidieux. Les conséquences sur la santé arrivent en général bien avant que le ou la harcelé(e) ne réalise son statut de victime.
Ainsi, à diverses occasions sans lien apparent avec le harcèlement moral, elle en aura parlé à son médecin traitant.
Par ailleurs, si la victime suit un(e) psychologue ou psychiatre, lui/elle aussi devrait être informé(e) des difficultés au travail.
En conséquence, il ne faut pas hésiter à leur demander d’établir des certificats médicaux mentionnant les souffrances au travail.
Tenus au secret médical, ils ne pourront tout détailler (du moins sans l’accord de la victime) mais ils pourront aisément notifier le début du malaise au travail voire les traitements qui ont suivi. Le/la psychologue et/ou psychiatre pourra noter plus clairement la souffrance rapportée quant aux conditions de travail sans pour autant les étayer.
Enfin, de même, garder l’original et ne donner que des copies par la suite !

Visite avec des experts de criminologie

A la suite de la plainte auprès de la police ou de la gendarmerie, l’agent peut proposer un rendez-vous avec une unité de criminologie.
Au cours de celui-ci, un médecin légiste, voire même un psychologue ou psychiatre, recevra la victime.
A chaque entrevue, la victime devra raconter ce qu’elle a vécu et quels sont les effets sur sa santé.
C’est une étape qui peut être difficile car elle incite le ou la harcelé(e) à se plonger à nouveau dans ses souvenirs douloureux. Toutefois, on recommande vivement d’accepter et de le faire.
Ces deux comptes-rendus médicaux peuvent grandement appuyer le dossier. Et refuser le rendez-vous peut être préjudiciable.
Rassembler les documents
Il convient ensuite de rassembler tous les documents dans un même dossier.
Il faut aussi y ajouter tout ce qui peut appuyer la dénonciation : mails, photos, messages, post-it…
Attention : les enregistrements vocaux ne sont pas encore recevables. SAUF si vous portez plainte le soir même de l’enregistrement.

Vous êtes fin prêt pour déposer votre plainte à la gendarmerie ou au commissariat. Déposer une pré plainte en ligne ou prenez rendez-vous.
Il est également possible d’envoyer une plainte par courrier directement au procureur de la République du tribunal judiciaire du lieu des faits. Vous n’aurez toutefois pas le récépissé ni le procès-verbal de la plainte qui sont des documents importants à conserver.
Conclusion
Monter un dossier pour harcèlement moral permet notamment de s’assurer qu’il n’y aura pas d’oubli lors du dépôt de plainte. Venir avec le journal d’évènements est un appui majeur.
On rappelle que porter plainte est psychologiquement difficile. Surtout lorsqu’on est déjà dans un état de souffrance mentale. Alors avoir tout mis par écrit au préalable permet de ne pas oublier.
Et s’il y a des oublis, il est toujours possible de retourner à la gendarmerie une seconde fois pour faire un avenant et notifier ce qui ne l’a pas été dans le premier entretien. (le second entretien est psychologiquement bien plus facile que le premier).
Rappelez-vous, en matière de harcèlement moral :

Qui ne dit mot, consent
Pape Boniface VIII
Vous devez porter plainte et sautez le pas ? BRAVO !
Votre courage va permettre de façonner un monde meilleur pour le milieu vétérinaire ! Rappelez-vous que vous n’êtes pas seul(e) dans ce combat mais toute notre association se tient à vos côtés dans ce combat !
Grâce à vous, nous ferons changer les choses !
Pour toute question ou crainte, je vous invite à nous contacter directement.
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